
Ce midi je déjeune avec mon amazone, mon amie de toujours. Comme il y a longtemps que nous ne nous sommes plus vus, j’ai décidé de mettre les petits plats dans les grands. Et pour que tout soit parfait, je connais un établissement exceptionnel à tous points de vue, l’excellentissime « Storia di Miceli », niché dans ma belle Hesbaye.
Le restaurant s’ouvre comme un secret bien gardé. À l’écart de l’agitation, dans une bâtisse ancienne restaurée avec goût, les murs en pierre apparente racontent une histoire centenaire, tandis que des touches de design contemporain viennent poser la signature du lieu : un mélange d’élégance et de chaleur. La belle et franche lumière dont nous bénéficions semble tamisée, comme si le temps lui-même ralentissait à l’intérieur. Nous sommes dans un cocon intime, on se sent presque privilégié d’être là.
Le personnel incarne le raffinement sans ostentation. Le maître d’hôtel, discret et souriant, accueille chaque client comme un invité personnel. Les serveurs ne servent pas simplement les plats : ils les présentent avec poésie, parlent de produits, de producteurs, d’histoires. Ils anticipent vos besoins avec une précision invisible, votre verre est toujours plein, jamais à moitié ; le rythme du service est parfaitement cadencé, ni trop lent ni pressé. Avec Yolin et Giulia, rien n’est figé, ils orchestrent notre repas avec la minutie d’un ballet, il ne s’agit pas ici de performance, mais de générosité. Le très élégant Matteo, notre maître d’hôtel, passe plusieurs fois à notre table, et nous fait profiter de ses conseils dans le domaine viticole. Le chef Lorenzo, quant à lui, passe discrètement dans la salle en fin de service, un mot, un sourire sincère.

Vous aurez compris qu’ici, on ne vient pas seulement manger. On vient vivre un moment suspendu, enveloppé dans une ambiance feutrée et élégante, où chaque geste, chaque détail participe à l’harmonie d’un déjeuner parfait. Mais venons-en à nos agapes… ce midi, menu quatre services plus une envie de tentation de la Storia (Blink !)
Nous commencerons par une mise en bouche apéritive, suivi d’un merveilleux pain artisanal au levain de chez nos amis de « Un pain en avant » et d’un beurre maison goûtu au possible. Poursuivons avec notre première entrée, une assiette printanière faite d’asperges blanches, de petits pois frais, de morilles et accompagnée d’une sauce persil iodée. Viendra ensuite la tentation de la Storia, à savoir deux excellentes ravioles signature à la truffe noire, un must ! A l’étape suivante, un risotto Aquerello crémeux dans un pesto d’ail des ours avec son pecorino sarde et sa burrata fraîche, et enfin un suprême de volaille fermière rôti au thym avec de sublimes poivrons confits à l’huile d’olive, un sabayon au « n’duja » et une petite polenta croustillante à souhait. Je cherche un superlatif pour décrire l’excellence des mets mais ne le trouve point… je dirai simplement que les sublimissimes préparations sont un véritable feu d’artifice pour les papilles.
Pour les curieuses et les curieux, la « n’duja » est une spécialité du sud de l’Italie, plus précisément de Calabre. C’est une charcuterie très particulière, unique en son genre. Elle est faite principalement de porc (gras et viande), de piment rouge calabrais très piquant et parfumé, et de sel, le tout fermenté et fumé. Résultat : une pâte rouge vif, intense, épicée, au goût fumé et très prononcé.

Ah oui, j’allais l’oublier, le dessert… un sorbet banane avec un crémeux « dulce de leche », du chocolat noir et une banane flambée. Vous savez que je ne suis pas dessert, mais à la Storia, je ne peux m’empêcher de les dévorer, d’abord des yeux car tout est beau, et ensuite de la langue, car toutes les saveurs sont exceptionnelles.
Du côté de la théorie des fluides, mon choix se porte sur un Barrua 2020, un vin rouge sarde remarquable, produit par Agricola Punica, une collaboration prestigieuse entre la Cantina di Santadi et la Tenuta San Guido connue pour le célèbre Sassicaia. Ce vin est considéré comme un « super sarde », alliant la tradition viticole de la Sardaigne à l’élégance des grands vins toscans. Il a reçu des critiques élogieuses pour sa complexité et son équilibre, c’est également un vin qui allie la richesse du terroir sarde à une finesse digne des grands crus internationaux. Une robe de cuir comme un fuseau qui aurait du chien sans faire exprès, pardon, je m’égare… un rouge rubis gourmand, profond et vif. Le nez nous réserve des arômes complexes de fruits rouges mûrs, notamment de cerise noire, d’épices, de réglisse, avec des notes de sauge et de myrte, en bouche, nous avons à faire à un vin élégant et corsé, avec des tanins souples. On y retrouve des saveurs de chocolat, de cassis, et une finale longue avec des nuances de caramel. Un délice !
Lors de la touche finale, une Grappina Mazzetti d’Altavilla 1789, grappa di Barolo Invecchiate, terminée en fûts de bourbon, et une autre Grappina Mazzetti d’Altavilla, une Riserva Vitae Grignolino & Ruché, qui a vieilli plus de 18 mois en barrique. Les deux sont fantastiques !
